Les mirages

Erika Wehrel – Mercredi 6 décembre 2017

Les mirages sont des phénomènes très courants sur des terrains plats, tels que les mers et les déserts dépourvus de reliefs. Ils sont dus au fait que la vitesse de la lumière diminue quand la densité de l’air augmente, et que des strates d’air de différentes densités sont superposées. Les vitesses de la lumière dans le vide et dans un milieu transparent étant respectivement notées c et v, on définit l’indice de réfraction du milieu comme étant le rapport n = c/v. Il est par définition égal à 1 dans le vide ; il est supérieur à 1 dans les milieux matériels. Plus l’indice de réfraction est élevé, plus que la lumière est ralentie.

Principe de base

Quand la lumière traverse l’interface entre deux milieux d’indices de réfraction différents, il se produit une réfraction : la lumière change de direction. Dans un milieu constitué de plusieurs strates, la lumière subit de multiples réfractions, si bien qu’elle est recourbée. L’illustration montre le cas où l’indice de réfraction décroît avec l’altitude.

Indice de réfraction et altitude

Les relations entre les angles sont données par les lois de Snell-Descartes, que je n’écris pas ici parce qu’elles ne serviront pas. Elles peuvent se démontrer par un raisonnement très général, qui fait seulement intervenir le caractère ondulatoire de la lumière et qui est donc valable pour n’importe quel type d’onde. En fait, cette illustration ne montre pas tout ce qui se passe. À chaque interface, la réfraction est accompagnée d’une réflexion : lors de son trajet ascensionnel, une partie de l’onde repart vers le bas. L’angle du rayon réfracté avec la normale (en lignes pointillées) augmente jusqu’à atteindre la valeur de 90°. Il n’y a alors plus de réfraction et la lumière est entièrement réfléchie. Après s’être écartée du sol, elle y revient. Pour expliquer correctement ce qui se passe, il faudrait effectuer un traitement mathématique plus complexe, dans lequel l’indice de réfraction varie de manière continue avec l’altitude. On retiendra que si l’indice de réfraction diminue avec l’altitude, les rayons de lumière sont recourbés vers le bas. S’il augmente au contraire avec l’altitude, les rayons sont recourbés vers le haut.

Expérience

On peut réaliser cette expérience à la maison, avec un grand aquarium, du sucre, un laser et quelques gouttes de fluorescéine afin de rendre le faisceau laser visible dans l’eau. On étale le sucre au fond de l’aquarium et on le laisse se dissoudre, sans remuer l’eau. La teneur en sucre s’accroît vers le bas, ce qui fait augmente l’indice de réfraction de l’eau. On obtient un milieu stratifié comme l’atmosphère terrestre. Il ne reste plus qu’à placer le faisceau laser et à constater qu’il est courbé.

Mirages supérieurs

Ces phénomènes sont qualifiés de mirages supérieurs quand ils se produisent dans l’atmosphère. Normalement, la température décroît avec l’altitude, mais dans certains cas, il fait moins froid au niveau du sol qu’en altitude, si bien que l’air est plus dense en bas qu’en haut. C’est une inversion thermique. Il en résulte que l’indice de réfraction de l’air s’accroît vers le sol. Cela cause une déviation des rayons lumineux, qui provoque une surélévation apparente de certains objets situés près de l’horizon, comme une ville :

Un observateur « croit » naturellement que les rayons se déplacent en ligne droite. Il prolonge les rayons qui arrivent jusqu’à lui par des droites tangentes à eux (en rouge), ce qui donne l’impression que la ville est située dans les airs. Voici l’image la plus spectaculaire que j’ai trouvée. C’est celle d’un cargo qui paraît flotter au-dessus de la mer :

Cette photo a été prise au nord du golfe d’Eubée, en Grèce, en 2015. Ce phénomène a été considéré comme une Fata Morgana, mais ce sont des mirages complexes apparaissant surtout dans les pays nordiques. J’ai mis une photo de l’un d’eux en tête du présent article. Dans le golfe d’Eubée, ce mirage s’est produit parce que la température de la mer était inférieure à celle de l’air. Dans le Grand Nord, il se produit une inversion thermique à cause de la présence de la neige, qui maintient les couches d’air inférieures froides tandis que de l’air chaud souffle du Sud. Celui-ci monte au-dessus de cet air froid au lieu de le chasser. Les explorateurs polaires sont coutumiers de ce type de mirage. Il peut arriver que les rayons de lumière se croisent, ce qui donne une image inversée :

On peut trouver une grande quantité de photos d’objets inversés ou déformés. Ces mirages sont fluctuants à cause du déplacement des masses d’air. Mais il existe un type de mirage supérieur qui est permanent. Il fait paraître des objets situés derrière l’horizon physique et confère à la Terre une courbure apparente plus petite que sa courbure réelle. Aux équinoxes, par exemple, le jour et la nuit devraient être exactement de 12 heures, mais ces mirages font se lever le Soleil 2 minutes plus tôt et se coucher 2 minutes plus tard, si bien que l’on gagne 4 minutes de Soleil. Ce phénomène est parfaitement mesurable sur un terrain plat où l’on peut assister aux levers et couchers du Soleil, comme en mer.

Ce qui est en cause, c’est la diminution régulière de la pression et de la densité de l’air à des altitudes importantes. La pression, qui est en moyenne de 1013,25 hectopascals au niveau de la mer, tombe à 226,32 hectopascals au sommet de la troposphère, à 11 km d’altitude. La masse volumique de l’air est de 1,2-1,3 kg/m³ au niveau de la mer (1,225 à 15 °C et 1,293 à 0 °C) et de 0,30-0,32 kg/m³ à 12,4 km d’altitude. On comprend que dans ces conditions, la troposphère soit le lieu de mirages supérieurs permanents, sur des distances de quelques centaines de kilomètres.

Mirages inférieurs

Enfin, les mirages inférieurs apparaissent quand le sol est surchauffé par les rayons du Soleil. Cela augmente la température et diminue l’indice de réfraction de la couche d’air située juste au-dessus. Une élévation de température de 3 °C sur 1 mètre suffit à provoquer ce phénomène, que l’on voit sur les routes en été où dans les déserts. Il est assimilable à la réflexion d’un miroir posé par terre. Les rayons de lumière se croisent en donnant une image inversée de l’objet.

Ce coucher de Soleil photographié sur les rives de la Mer Noire montre également un mirage inversé, mais il se manifeste par une déformation de l’astre. A la fin de la journée, l’air se refroidit mais la mer conserve sa chaleur et la communique à la couche d’air inférieure.

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